L’heure du repas approchant je me dirige donc dans le hall du Blue Berry où je suis attendue par Corinne « bandeau en main » ! Le temps pour Corinne de me passer quelques infos, quelques recommandations ce qui m’aide à me préparer à cette expérience. Puis quelques minutes après me voilà partie au self, les yeux bandés accompagnée par Corinne.
Concrètement, de l’accueil jusqu’ à l’entrée du self (où sont déposés les plateaux), niveau mobilité et repères, ça était. C’est lorsque j’arrive dans le self que je prends conscience que je suis totalement pommée par rapport à tout ce qui m’entoure, l’espace, les personnes, la disposition des tables etc. Lorsque Corinne viens me chercher pour aller s’installer à table, la traversée du self (car nous étions installés tout au fond de la salle à manger) me semble interminable, mes repères sont inexistants, j’ai l’impression que le self est immense. De plus je suis incapable de déterminer ma vitesse de déplacement, même en étant accompagnée.
Nous arrivons (enfin) à table, sur les consignes et techniques de Corinne, je contourne la table, m’installe devant mon plateau, et tente de repérer et d’organiser ce qui est sur mon plateau. Puis arrive le moment de la première fourchette, est-ce que je vais arriver à piquer quelque chose et à l’amener à ma bouche ?
Tout au long du repas j’essai de garder les repères transmis par Corinne, mais je prends vite conscience que depuis le début du repas je me suis fermée dans une bulle « ma bulle repas sous bandeau »… En effet le repas me demande énormément d’efforts de concentration, de ce fait je ne peux pas participer à une discussion avec les personnes qui sont à ma table. De plus, au fur et à mesure que j’avance dans le repas je perds la notion de temps. Je reste en permanence concentrer sur mon plateau sans savoir quelle heure il est, ni ce qui se passe autour de moi, sensations qu’ont pourrait qualifier comme particulières… Arrive la fin du repas, j’apprécie tout de même d’avoir réussie à finir mon plateau, cependant je suis incapable de partir le déposer (merci Corinne) par rapport au repères spatio-temporels dont je ne dispose plus.
Puis nous sortons du self et je reprends le même trajet (en m’aidant des rebords de fenêtres) pour regagner le hall du Blue Berry.
Arrive le moment qui marque la fin de ce repas, j’enlève le bandeau, tout doucement, calmement. Lorsque j’ouvre les yeux j’ai l’impression d’être perdue, comme si j’avais besoin d’un laps de temps pour reprendre mes repères visuels. Ce moment ne dure que quelques secondes mais je me sens presque totalement déstabilisée, presque « vidée ». Sentiment un peu paradoxal car cette impression s’affirme plus à la fin de l’exercice que cela aurai pu l’être au début en appliquant le bandeau sur mes yeux.
Je tiens à remercier tout particulièrement Corinne, sans qui cette expérience n’aurai pas été possible, ainsi que les personnes qui ont mangé à ma table. Cela m’aura permis de prendre conscience des difficultés que peut rencontrer une personne déficiente visuelle ou encore des efforts que cette dernière doit fournir pour prendre un repas.
Et oui, pour un bon nombre de personne, dont je faisais partie avant cette expérience, qu’est ce que ça parai simple de prendre son repas, j’irai même jusqu’à dire qu’on ne se pose aucune question…et pourtant ! Voilà pourquoi je conseille à tout le monde de tenter cette expérience. A noter que chaque personne ayant déjà tenté cette expérience réagit et réagira différemment donc propre à chacun de vivre « son expérience d’un diner sous bandeau »…
Agathe